
Nous nous contraceptons. Nous sommes en couple, et nous nous contraceptons. Nous sommes célibataires, et nous nous contraceptons. Nous aimons plusieurs personnes, et nous nous contraceptons. Nos amoureux ont des testicules et ils se contraceptent.
Alors que rien ne bouge nous nous contraceptons. Nous parlons de sexualité et de désir beaucoup plus librement. Nous osons toucher notre corps vulnérable, nos testicules, si familières mais tant ignorées. Nous voulons partager la charge mentale. Nous acquérons un regard responsable sur nos fertilités. Nous ouvrons des portes fermées, nous nous demandons comment aimer.
Aujourd’hui, plusieurs dizaines de milliers de personnes utilisent une contraception dite «masculine»1 en France ; la vasectomie, la contraception hormonale, l’anneau Andro-Switch, le remonte-couilles toulousain, le slip spermapause…
Ces méthodes restent encore marginales alors que des millions de femmes1 ne supportent plus leur moyen de contraception : baisse de libido, infections, trouble de l’humeur, dépressions, phlébite, embolie pulmonaire, AVC… Faute d’alternatives, nombre d’entre elles ne se contraceptent plus et s’exposent à des grossesses non-désirées et à des avortements.
Alors que des méthodes de contraception dite masculine existent et que nous les utilisons, comment se fait-il que nous ayons si peu avancé ces dernières décennies ? Que si peu de médecins puissent nous accompagner ? Que les pouvoirs publics et l’industrie pharmaceutique n’aient presque jamais entrepris ni aucune campagne d’information ni aucun programme de financement ?
Concernant la seule contraception thermique2, une étude de 20183 montre que 29 % des jeunes pères1 sont intéressés après information sur la technique, et que 40 % des jeunes médecins généralistes seraient prêts à prescrire ce type de contraception si elle était disponible.
Dans ce contexte d’ouverture, nous observons que la méthode thermique est réprimée : cette année, la vente de l’anneau Andro-Switch et la prescription du Slip Chauffant au CHU de Toulouse ont été suspendus4, sans qu’aucun soutien financier ou administratif ne soient apportés en retour. De son côté, l’arrivée de la pilule masculine reste un fantasme depuis plus de 50 ans, malgré les effets d’annonce réguliers. La vasectomie, elle aussi, est l’objet d’un tabou tenace.
Cette passivité nous révolte. Il y a urgence ! Les acteurs de la contraception dite «masculine» restent dans l’inaction, bénéficiant du privilège de ne pas partager cette charge alors que c’est une question de santé publique majeure !
«Le combat pour la contraception n’est pas terminé. Il le sera quand chaque être humain aura accès à une contraception efficace et sans effets secondaires.»5
Pour l’équité contraceptive, maintenant !
Ce que nous demandons :
● l’investissement et la recherche à grande échelle, de la part des institutions politiques et médicales, pour les contraceptions dites «masculines» (hormonales comme testiculaires).
● la gratuité et la diversité des méthodes de contraception pour lutter contre la précarité contraceptive.7
● une meilleure prise en compte de la charge contraceptive (financière, psychologique, physiologique), et un engagement concret des personnes à testicules dans la contraception.
● un soutien significatif pour l’éducation populaire autour de la sexualité et de la contraception.
● la prise en compte des conséquences écologiques des divers moyens de contraception.
● plus largement une avancée de l’équité dans notre société, et de la liberté à disposer de son corps.
Notes
1. l’expression « dite masculine » renvoie au fait que des personnes non-binaires ou trans qui se contraceptent ne se reconaissent pas masculines. Pour cette raison, l’usage des termes «femmes» et «hommes» est imparfait, et nous souhaitons évoquer l’ensemble des personnes à testicules et à ovaire au-delà des frontières du genre.
2. Avec l’exposition des testicules à une température supérieure à 37°C, la fertilité est altérée avec l’arrêt de la spermatogénèse.
3.
3. Amouroux M, Mieusset R, Desbriere R, Opinel P, Karsenty G, Paci M, et al. Are men ready to use thermal male contraception? Acceptability in two French populations: New fathers and new providers. PloS One. 2018;13(5):e0195824.
4. Décision de l’ANSM le 10 décembre 2021 à propos de l’Andro-switch: https://ansm.sante.fr/actualites/decision-du-10-12-2021-dispositifs-medicaux-andro-switch-societe-thoreme –
5. Extrait de Marre de souffrir pour ma contraception, Sabrina Debusquat, 2019 : https://jarretelapilule.fr/payetacontraception-hashtag-contraception/ –
6. Nous remercions les camarades usager.e.s de la contraception testiculaire pour avoir mis en ligne leur pétition, qui nous a permis d’enrichir la notre, et que nous vous invitons à signer : https://www.wesign.it/fr/politique/nous-voulons-nous-contracepter –
7. Nous demandons une extension à tous les contraceptifs la loi du 24 décembre 2021 qui garantit la gratuité de la pilule hormonale pour les femmes de moins de 26 ans : https://www.service-public.fr/particuliers/actualites/A15158
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Pour aller plus loin :
Site historique de l'anneau Andro-Switch, devenu site à visée informative autour de la contraception testiculaire.
Portail de l'ARDECOM, l'association historique pour la contraception dite masculine en France, qui regroupe un ensemble de ressources et de contacts pour s'informer et franchir le pas de la contraception testiculaire.
Le Groupe d’action et de recherche pour la contraception soutien un maillage associatif d'ateliers et d'informations dans toute la France.